Qui, quand, comment ?
Par Renaud ROQUEBERT & Stanislas ROQUEBERT
Prorogation des délais de procédure échus pendant la période d’état d’urgence sanitaire :
Quels impacts en matière fiscale et douanière ?
L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, publiée au JORF le 26 mars 2020 prévoit la
suspension et la prorogation des délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12
mars 2020 et la fin d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence
sanitaire (article 1 de ladite ordonnance).
Cette ordonnance a une portée générale et vise tout type d’acte ou procédure à l’exclusion des
délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale
notamment.
Les articles 10 et 11 de l’ordonnance prévoient un certain de nombre de mesures concernant les
matières fiscales et douanières.
I. Les contrôles fiscaux et douaniers sont-ils suspendus ?
Au titre des questions soulevées par cette période sans précédent, il en est une qui tient les
entreprises en haleine depuis plusieurs jours : les contrôles et procédures fiscales et douanières
poursuivent-ils leur cours ?
A cette interrogation, le Gouvernement apporte plusieurs réponses, par voie d’ordonnances,
lesquelles méritent un éclaircissement et quelques recommandations pratiques.
1 – En premier lieu, l’ordonnance prévoit la suspension des délais de prescription du droit de
reprise de l’administration expirant au 31 décembre 2020.
Pour être plus précis, la loi du 23 mars 2020 déclare l’état d’urgence sanitaire pour une période
de deux mois à compter de la promulgation de ladite loi au JORF du 24 mars 2020, soit jusqu’au
24 mai 2020.
Ainsi, en toute vraisemblance, cette période de suspension devrait prendre fin, sauf mesure de
report de l’état d’urgence par le législateur, le 24 juin 2020.
Il conviendra, dans un futur proche et une fois cette période de suspension fixée, de s’assurer
de la connaissance de ces délais. Nous serons là pour vous tenir informés !
2 – Est également prévue la suspension, tant pour le contribuable que pour les services de
l’administration, de l’ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures
de contrôle et de recherche en matière fiscale et douanière, sans qu’une décision en ce sens de
l’autorité administrative ne soit nécessaire. La suspension des délais concerne également ceux
applicables en matière de rescrit, demandes de remboursement etc…
Cette annonce est plus que bienvenue pour les contrôles en cours (exemples : suspension des
délais de réponse à un avis de résultat d’enquête / avis préalable de taxation, suspension des
délais de communication d’informations ou documents, etc.). Pour autant, nous invitons les
entreprises à la prudence et au pragmatisme sur ce point. Cette période de suspension sera
d’une durée égale à celle présentée au point précédent : du 12 mars 2020 à la fin date de fin
de l’état d’urgence augmentée d’un mois.
Malgré un report de plein droit des opérations de contrôles fiscaux et douaniers, une prise de
contact avec les autorités chargées des contrôles en cours, ne serait-ce que pour acter de
l’effectivité de la suspension prévue par l’ordonnance, est fortement recommandée afin
d’éviter toute mauvaise surprise au sortir de cette période d’état d’urgence.
3 – Enfin, l’ordonnance suspend également, les délais mis en œuvre au titre de l’expérimentation
de la limitation de la durée des contrôles administratifs sur certaines entreprises dans les
régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes.
Pour mémoire, à compter du 1er décembre 2018 et pendant quatre ans, dans ces deux régions,
la durée cumulée des contrôles opérés par les administrations ne doit pas excéder, pour une
PME, neuf mois sur une période de trois ans conformément à la loi ESSOC du 10 août 2018.
Bien que d’application territoriale limitée, cette mesure de suspension mérite d’être soulignée.
II. Qu’en est-il du paiement des impôts et des taxes ?
L’ordonnance est limpide sur ce point : le report en matière d’opérations de contrôle fiscal ne s’applique pas aux déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au
recouvrement des impôts, droits et taxes.
Si l’incertitude était permise quant au paiement des dettes fiscales et douanières pour le mois
d’avril 2020, le Gouvernement a tranché : la déclaration et le paiement des impôts, droits et
taxes ne devraient pas être suspendus. L’objectif étant pour selon le Rapport au Président de
la République de « préserver le recouvrement des recettes publiques nécessaires au
fonctionnement des services publics et au soutien de l’économie ».
Cela étant dit, il est nécessaire de concilier en pratique cette annonce, avec celles de la semaine
dernière par lesquelles le Gouvernement déclarait son entier soutien aux entreprises subissant
de plein fouet la crise du Coronavirus, en leur permettant de solliciter un report du paiement
des impôts directs dus au titre du mois de mars ou encore des remises d’impôts directs.
En ce sens, de nouvelles demandes de report pourront-elles être soumises pour des droits et
taxes dus au titre du mois d’avril ? Rien n’est moins sûr, mais l’opportunité pourrait se
présenter, selon les cas.
Pour ce qui est des demandes déjà présentées au titre du mois de mars, a priori, pas
d’inquiétude : le paiement de ces impôts est repoussé au 16 juin 2020!
Cependant, le doute est désormais permis concernant les mois suivants, alors même que la
trésorerie des entreprises sera soumise à rude épreuve dans les temps à venir.
Enfin, il importe de rappeler que ce report (pour le mois de mars notamment) ne concerne pas
de plein droit les droits taxes perçus par l’administration des douanes, même si les autorités
douanières ont confirmé qu’elles feraient preuve de souplesse dans les cas de situations
critiques et motivées.
III. La suspension des délais de recouvrement est-elle également prévue ?
Suite à cette ordonnance, les délais applicables en matière de recouvrement et de contestation
des créances publiques prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription,
inopposabilité ou déchéance d’un droit ou d’une action sont suspendus pendant la durée de
l’état d’urgence sanitaire augmentée de trois mois.
Ces dispositions concernent l’ensemble des créances dont le recouvrement incombe aux
comptables publics et devraient, en toute vraisemblance, concerner tant le recouvrement et le
contentieux du recouvrement fiscal que douanier.
Si l’ensemble de ces mesures prises dans ce contexte si particulier d’état d’urgence sanitaire
doivent être saluées, nous invitons l’ensemble des entreprises au pragmatisme et à la vigilance
dans le suivi et l’anticipation de ces problématiques et des délais associés.