Etat des lieux des mesures fiscales exceptionnelles liées au COVID-19

Qui est concerné et dans quelles conditions ?

Par Renaud ROQUEBERT & Clémence BAUCHÉ

Face à l’épidémie du Coronavirus Covid-19, plusieurs annonces d’ordre économique, fiscal et douanier
ont été faites par le Gouvernement depuis le 3 mars 2020. Ces mesures ont pour objectif de soutenir
« immédiatement » toutes les entreprises qui seraient en difficultés financières. Ces mesures sont pour
la plupart bienvenues, et visent, dans l’ensemble, à soulager les entreprises des impositions dont
l’échéance intervient en mars 2020, ce qui est une excellente chose !
Cela étant dit, l’inventaire abrupt des mesures proposées mérite un peu d’analyse, de structuration et
quelques réflexions d’opportunité. C’est l’objectif de cet article.
De façon schématisée, il existe deux catégories de mesures fiscales : celles visant à reporter ou remettre
les impôts, et celles visant les procédures de contrôle fiscal.

I. Mesures de report ou de remise des impôts directs

Report du paiement des impôts directs (solde d’impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et cotisation foncières des entreprises)

Le report des prochaines échéances de paiement des tous les impôts directs dus au titre du mois peut
être demandé par toutes les entreprises (ou leurs experts-comptables) « sans justification et sans
pénalités ». Concrètement, dès lors qu’une demande de report est déposée, le paiement de ces impôts
est automatiquement repoussé au 16 juin prochain (délai de trois mois).

Attention cependant, le Ministre de l’Économie et des Finances a indiqué que la TVA ainsi que le
prélèvement à la source ne pouvaient pas être inclus dans ces mesures car cela « serait trop compliqué,
trop lourd et avec des risques sur la sécurité fiscale ». Ainsi, malheureusement, ces taxes en
sont exclues.

Par ailleurs, il est permis aux professionnels ayant opté pour la mensualisation de la cotisation foncière
des entreprises (« CFE »), de suspendre les règlements et les reporter au moment du paiement du
solde, directement à travers leurs comptes « impôts.gouv » ou en contactant le « Centre prélèvement
service ».

La rapidité d’action du gouvernement sur ces points est à souligner !

Mais ce report concerne-t-il seulement les échéances de mars ou celles des mois suivants ? Compte
tenu de la situation actuelle et sous réserve de mesures ultérieures, il apparaît probable que ce report
concerne également les échéances d’avril 2020 (i.e. notamment pour la taxe sur les salaires)… mais cela
reste à confirmer.

Dans le cas où des entreprises auraient déjà réglé les échéances de mars, le Ministère des Finances a
annoncé sur son site internet qu’il est possible de s’opposer au prélèvement SEPA (en contactant
directement l’établissement bancaire de l’entreprise) ou d’en demander le remboursement auprès du
SIE compétent. Mais sous quelle forme la demande peut-elle être faite (i.e. dépôt d’un formulaire
spécifique) et dans quel délai ?

En pratique, il existe déjà des procédures de demande de remboursement… sont-elles applicables dans
la situation actuelle ? Sans doute, mais nous recommandons de le confirmer de façon formelle auprès
du SIE dont dépend l’entreprise.

Il faut noter en conclusion sur ce point que ces mesures consistent à reporter le paiement des taxes
visées. L’effet pour la trésorerie de l’entreprise peut être bénéfique à court terme, mais la dette fiscale
restera, sauf annonce contraire des autorités, mais aucune initiative de la sorte a été évoquée à ce
stade.

Il faut suivre avec attention et quotidiennement les annonces des autorités publiques, qui pourraient
varier si la situation économique était durablement affectée. Restons vigilants.

• Remise d’impôts directs

Le gouvernement a aussi prévu d’autoriser les entreprises à procéder à une demande de remise de
certains impôts. Le mécanisme est donc différent de celui du report, puisque la remise supprime la
charge d’impôt, de façon définitive.

Ces demandes de remise feront cependant l’objet d’un examen individualisé. Octroyées de façon plus
restrictive que les reports, elles devront être justifiées et ne sauront être accordées qu’en cas de
difficultés caractérisées.

A priori, ces « difficultés caractérisées » seraient appréciées en tenant compte de divers éléments,
comme le montant du chiffre d’affaires réalisé mensuellement au cours de l’année 2019 et 2020, la
nature (autre que fiscale) et le montant des dettes restant à honorer, la situation de la trésorerie, etc..

En pratique, un modèle de demande de report ou de remise est mis à la disposition des contribuables
sur le site impôts.gouv. Le 16 mars 2020, le Ministre de l’Économie et des Finances a en outre fait savoir
qu’« aucune date limite n’est fixée pour la demande de ce report. »

Concrètement, compte tenu de l’examen individuel des dossiers qui est annoncé, il semblerait que
l’effet immédiat des mesures soit plus relatif. En effet, à ce jour, il n’est prévu aucun délai spécifique de
traitement des demandes déposées dans le cadre des difficultés liées au Coronavirus – Covid-19.

Concrètement, nous recommandons donc, afin de pallier les éventuels délais de traitement, de
déposer, en parallèle de la demande de remise, une demande de report d’imposition.

II. Mesures relatives aux contrôles fiscaux

Les agents de la fonction publique étant également impactés par les mesures de confinement
actuellement mises en place, le Ministre de l’Action et des Comptes publics a annoncé que les contrôles
fiscaux en cours seront suspendus et qu’aucun nouveau contrôle ne sera démarré.

Parallèlement, des aménagements seraient à l’étude s’agissant des mises en recouvrement forcé de
dettes fiscales. Cependant, cette annonce a été faite par le Ministre par le biais des réseaux sociaux et
d’articles de presse. Cela sera-t-il confirmé officiellement ? Rien ne l’assure à ce jour. Restons à l’écoute
cependant.

En outre, très concrètement, cela signifiera-t-il que les procédures de contrôle en cours et qui sont
l’objet de délais précis sont également suspendues ? Sera-t-il possible, par exemple, de ne pas répondre
dans les délais impartis à une proposition de rectifications émise quelques jours avant les annonces ?
Ces questions sont essentielles, et faute de position claire des autorités, nous recommandons vivement
d’agir comme si les procédures en cours se poursuivaient normalement.

Par ailleurs, face à la fermeture des tribunaux, les contentieux devant le juge administratif et le juge
judiciaire sont également suspendus.

Pour conclure, le Gouvernement a répondu à certaines difficultés rencontrées par les entreprises
aujourd’hui, et il convient de saluer avec enthousiasme la réactivité de nos autorités et l’ampleur des
mesures annoncées, tout à fait inédite.

Il faut cependant rester vigilant quant à l’application pratique de certaines mesures, et surveiller avec
attention la portée des mesures les plus ‘emblématiques’ comme la remise d’impôts ou la suspension
des contrôles fiscaux.

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