Facilités de paiement des dettes fiscales : pour qui et quelles procédures ?

Par Renaud ROQUEBERT

Alors que les annonces gouvernementales, textes législatifs et autres publications réglementaires en réaction à l’épidémie de Covid-19 se multiplient, l’état applicable du droit et sa lisibilité pour les contribuables en pâtit. Hier encore, le 31 mars 2020, Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes publics, annonçait un report de la campagne déclarative d’impôt sur le revenu 2020.

Dans ce contexte, l’équipe LHLF vous propose un état des lieux sur les facilités de paiement et autres mesures fiscales existantes afin de soulager les contribuables en ces temps perturbés.

I. Quelles facilités de paiement et allègements en matière d’impôts directs ?

La réponse du Gouvernement à la situation actuelle a été immédiate en matière d’impôts
directs. Nous l’évoquions dans plusieurs articles précédents, un certain nombre de mesures a
permis aux entreprises françaises de faire face à la crise, au moins dans un premier temps :
report des paiements d’impôts directs, remboursements accélérés de certaines créances fiscales et, le cas échéant, remises d’impôts dans les cas les plus difficiles.

Dans le même temps, en prononçant la suspension des contrôles fiscaux tout au long de la
période de l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement a, une fois de plus montré sa volonté
d’alléger temporairement la charge des contribuables.

Cependant, un grand nombre d’interrogations demeurent. Annoncées initialement pour le
mois de mars, ces mesures ne concernent, en l’état, pas les dettes d’impôts directs des mois
d’avril et suivants.

Plus encore, le Gouvernement a, dans une ordonnance dont nous vous délivrions l’analyse
précédemment, maintenu les obligations déclaratives des contribuables pour les échéances à
venir. Est-ce à dire que les contribuables sont démunis ? Nous ne le pensons pas !

1 – Tout d’abord, les entreprises auront toujours la possibilité de saisir le service compétent afin de solliciter un report, aménagement ou suspension de leur dette fiscale, avec le cas échéant établissement d’un échéancier fiscal. Cette décision de paiement échelonné, aménagé ou suspendu incombe au comptable public. Bien évidemment, cette faculté du comptable public relève de son pouvoir discrétionnaire !

En l’absence d’indication sur l’opportunité de telles demandes en période d’état d’urgence, il
convient de se référer au droit commun. En ce sens, bien que le comptable public puisse se
montrer clément eu égard aux difficultés éprouvées pendant cette période, il est à prévoir que
ce dernier examine avec soin les motifs de la demande.

Un certain nombre de justificatifs concernant les difficultés financières rencontrées par les entreprises seraient en ce sens requis, contrairement aux demandes de report automatique qui pouvaient être formulées s’agissant du paiement des impôts directs du mois de mars 2020.

Par ailleurs, ces demandes relèvent de la matière gracieuse, or en pratique, il est à prévoir que le traitement de ces demandes soit plus long. Nous invitons ainsi les contribuables à déposer au plus vite de telles demandes afin de préserver leur trésorerie. Cela étant dit, une clarification sur ce point, par l’administration, serait plus que bienvenue !

2 – D’autre part, si le Gouvernement comme l’administration fiscale ont annoncé vouloir
instruire et rembourser rapidement les créances fiscales(CIR, CICE, carry-back notamment) pour soulager au mieux la trésorerie des entreprises, a priori, ces remboursements accélérés ne seraient soumis à aucun justificatif.

Cette situation mérite d’être maintenue pour les mois à venir. Il faut espérer une réponse
rapide sur ce point.

Ainsi, si les entreprises pourront, en toute vraisemblance, bénéficier au cas par cas de facilités de paiement pour les mois à venir, la situation que nous traversons invite le Gouvernement à prendre des mesures de reports ou remises plus structurelles.

Si la trésorerie des entreprises a pu être « sauvegardée » au mois de mars, la baisse structurelle de l’activité économique se poursuit : diminution du nombre de commandes, non-paiement des certaines factures fournisseurs, etc…

Bien que la priorité doive être donnée aux charges fixes et tout particulièrement aux salaires, il serait opportun également, de soulager les entreprises du poids de certaines dettes fiscales.

Dans le même temps, il apparait également indispensable que le Gouvernement se prononce
rapidement en faveur d’un report des échéances déclaratives des mois d’avril et mai. L’administration fiscale a, en ce sens, reporté le dépôt de la liasse fiscales du 16 au 31 mai prochain.

Pourtant, d’autres échéances se profilent pour ces deux prochains mois : DAS2, impôts locaux
(CFE et CVAE) ou encore la C3S. Une demande de report de toutes ces échéances au 30 juin
2020 a été formulée devant la DGFiP. Elle est, aujourd’hui, encore à l’étude. Affaire à suivre…

Ces différentes considérations liées aux facilités de paiement participent également de la
réflexion qui doit être menée pour penser la période d’après crise. Les entreprises auront un besoin vital de trésorerie pour relancer leurs activités.

II. Quelles facilités de paiement et allègements en matière d’impôts indirects ?

L’impact du Covid-19 pour les entreprises fait l’objet de nombreux questionnements et notamment en matière de TVA.

Toutefois, si de nombreuses mesures en faveur des entreprises ont été prises par le gouvernement en matière d’impôts directs, il semblerait que la TVA n’ait pas reçu le même traitement.

Dans son communiqué en date du 22 mars 2020, le Ministre de l’Action et des Comptes Publics
a en effet annoncé que, contrairement à ce qui avait été prévu en matière d’impôts directs, les entreprises ne pourront pas reporter leurs échéances de déclaration de TVA.

Dès lors, les entreprises devront continuer à déclarer et payer la TVA selon les calendriers
habituels. En cas de non-respect de ces obligations, les entreprises s’exposeraient aux intérêts de retard et sanctions suivantes : 10% en cas de défaut déclaration dans les délais et 5% en cas de défaut de paiement.

Il a cependant été annoncé que les demandes de remboursement de crédits de TVA feront l’objet d’un traitement accéléré. Il est alors conseillé aux entreprises de déposer au plus tôt leurs demandes de remboursement par voie dématérialisée.

Bref rappel de la procédure de remboursement de la TVA offerte aux entreprises en situation de crédit de TVA :

Lorsque l’entreprise est en situation de crédit de TVA, elle a le choix entre :

  • l’imputation du crédit sur la prochaine déclaration de TVA ou
  • le remboursement du crédit de TVA.

L’entreprise est en situation de crédit de TVA lorsque la TVA à déduire est supérieure à celle
perçue et reversée.

Comment obtenir le remboursement d’un crédit de TVA ?

1 – Les modalités de remboursement du crédit de TVA dépendent du régime d’imposition :

  • Entreprises relevant du régime réel normal :

Lorsque la déclaration de TVA est établie mensuellement ou trimestriellement : le remboursement du crédit de TVA peut être demandé dès lors qu’il excède 760 euros.

Lorsque la déclaration de TVA est établie annuellement : le remboursement du crédit de TVA peut être demandé dès lors qu’il excède 150 euros.

  • Entreprises relevant du régime réel simplifié :

Dans le cadre de ce régime la déclaration TVA est effectuée annuellement, en mai, puis des acomptes sont versés en juillet et en décembre. Le remboursement du crédit TVA est possible dès lors qu’il excède 150 euros.

2 – La demande de remboursement de la TVA :

La demande de remboursement s’effectue de manière dématérialisée auprès de son Service des Impôts des Entreprises.

  • Pour les entreprises relevant du régime réel normal :

Pour un remboursement en cours d’année, un formulaire spécial (cerfa n°3519-SD) est à joindre à la déclaration mensuelle ou trimestrielle.

Pour les entreprises qui déclarent annuellement leur TVA, le formulaire spécial doit être déposé à l’issue de leur exercice.

  • Pour les entreprises relevant du régime réel simplifié :

Le remboursement du crédit de TVA est demandé à l’occasion du dépôt de la déclaration annuelle de TVA dans le cadre dédié à cet effet.

Cette demande doit être effectuée :

  • Au plus tard le 2ème jour ouvré qui suit le 1er mai, au titre de l’année civile ; ou
  • dans les 3 mois de la clôture de l’exercice, au titre d’un exercice décalé.

Ainsi, les obligations déclaratives en matière de TVA ne se voient pas impactées par la crise sanitaire que nous traversons. Les entreprises doivent s’en tenir à leur calendrier habituel, tout en continuant de bénéficier de la procédure de remboursement de leurs éventuels crédits de TVA, dans des délais, en principe, accélérés.

Nota Bene :

  1. La demande de remboursement de crédit de TVA étant une réclamation contentieuse, elle se voit tout de même impactée par les mesures communes aux recours et délais pour agir prises au mois de mars 2020 par le gouvernement.

En effet, la demande remboursement de crédit de TVA est une réclamation contentieuse dont
le rejet doit être motivé par l’administration fiscale et peut être contesté devant le juge
administratif dans un délai de deux mois. Or, le 15 mars 2020 la Ministre de la Justice a annoncé
la fermeture des juridictions (excepté pour les « contentieux essentiels »).

Quelles conséquences en tirer ?

  • Si, au 12 mars 2020, le délai de réponse de deux mois (ou six mois en cas de réponse
    implicite de rejet) de l’administration fiscale à la demande de remboursement de crédit
    de TVA n’était pas expiré, ce délai est suspendu et recommencera à courir, déduction
    faite du temps s’étant déjà écoulé, à la fin du délai d’un mois suivant la cessation de
    l’état d’urgence sanitaire (i.e. période de référence), soit, en l’état du droit applicable,
    à compter du 24 juin 2020 ;
  • Si au 12 mars 2020, le délai pour saisir le juge administratif d’une décision de rejet de
    l’administration fiscale n’était pas expiré, le délai est suspendu et le contribuable pourra
    effectuer son recours dans le délai restant à courir ne pouvant excéder un délai maximal
    de deux mois à compter de la fin de la période de référence susvisée. En pratique et en
    l’état du droit applicable, cette décision de rejet pourra donc être contestée, selon les
    hypothèses, jusqu’au 24 août 2020.

Notons toutefois que la fermeture des juridictions signifie tout de même qu’en réalité, un rejet de la demande de remboursement pourrait ne pas pouvoir être contesté et traité devant le juge administratif de façon accélérée.

2.D’autre part, dans le cadre de la demande de remboursement, l’administration fiscale a la faculté d’opérer sur place des contrôles matériels et de consulter tout document comptable ou justificatif afférents à cette demande. Toutefois, là encore, les contrôles administratifs étant a priori suspendus, ils ne pourront pas intervenir avant la fin du délai d’un mois qui suit la cessation de l’état d’urgence.

Nous comprenons alors que l’action du gouvernement face à cette crise sanitaire est concentrée sur les impôts qui touchent directement les entreprises. La DGFIP justifie la volonté de ne pas reporter les échéances de déclaration en matière de TVA par le fait que les entreprises ne doivent pas pouvoir utiliser la TVA pour soutenir leur trésorerie, ces dernières étant considérées comme de simples collecteurs d’impôts.

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