OPPORTUNITES D’AMELIORATION DE LA TRESORERIE : REPORT DE PAIEMENT DES IMPÔTS DIRECTS ET ASSOUPLISSEMENT DU CALCUL DE LA TVA – Où en est-on au 8 avril 2020 ?

Par Renaud ROQUEBERT

Nous le présentions dans une alerte précédente, les mesures liées au COVID-19 se multiplient.

Dans ce contexte, s’il faut noter la réactivité remarquable du Gouvernement, il est évident que l’application de la règle fiscale se complexifie dans le tohue-bohue de toutes les annonces et mesures Gouvernementales, dont certaines peuvent sembler contradictoires.

A ce titre, deux thématiques en particulier ont retenu notre attention car elles offrent des opportunités d’amélioration de la trésorerie pour les entreprises : le report du paiement des impôts directs dus au titre du mois d’avril (I) et les mesures d’assouplissement de calcul de la TVA due pendant la période de confinement (II).

I – La prorogation du report de paiement des impôts directs

Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes publics, annonçait dans un communiqué de presse du 3 avril 2020 un prolongement du report du paiement des impôts directs et des cotisations sociales. Si la mesure était attendue et paraissait indispensable, plusieurs remarques méritent d’être formulées.

1 – Cette faculté de report, instaurée initialement pour les impôts directs du au titre du mois de mars, est donc prolongée pour le mois d’avril. Cette nouvelle, qui mérite d’être saluée, marque un certain revirement du gouvernement en la matière. Exclu catégoriquement dans un premier temps par Bercy, un nouveau report paraissait pourtant inévitable tant la crise et la baisse d’activité se poursuit…

Notons par ailleurs que, dans son communiqué de presse du 3 avril 2020, Bercy, ne semble initialement viser que les demandes de report d’imposition.

Cependant, le formulaire spécifique devant être adressé au Service des Impôts des Entreprises (SIE) compétent pour bénéficier de ce report a été mis à jour, et il inclut toujours la possibilité de demander une remise d’impôts directs, d’intérêts de retard et de pénalités. Aussi, les entreprises rencontrant d’importantes difficultés financières en raison de la crise du COVID-19, auront toujours la possibilité de demander de telles remises.

Une fois encore, il convient de saluer cette annonce. L’effet pour la trésorerie des entreprises sera positif à court terme. Pour autant, cette faculté de report n’effacera pas la dette fiscale, sauf annonce contraire des autorités, mais aucune initiative de la sorte n’a pour l’instant été évoquée. Bien au contraire, Bercy a tenu à rappeler que ces aides étaient financées par la dette publique et qu’elles devraient faire l’objet d’un paiement à terme. A date, les modalités sont encore en discussion.

2 – Au titre des nouveautés, cette faculté de report est désormais conditionnelle les grandes entreprises ou les entreprises appartenant à un grand groupe.

En pratique, les entreprises visées par ce dispositif conditionnel, sont celles qui, au cours du dernier exercice fiscal, ont employé en France au moins 5 000 personnes ou ont réalisé un chiffre d’affaires consolidé de plus de 1,5 milliard d’euros. Par ailleurs, le gouvernement précise dans une FAQ que la notion de groupe peut s’entendre en faisant référence soit à la définition utilisée pour la CVAE (article 1586 quater I bis du CGI), soit à la définition retenue pour l’intégration fiscale (article 223 A du CGI).

Ces entreprises pourront bénéficier de la faculté de report et/ou de remises d’impôts directs dus au titre du mois d’avril à la condition de ne procéder à (i) aucune distribution de dividendes et (ii) aucun rachat d’actions pour la période s’étendant du 27 mars 2020 au 31 décembre 2020.

Dans cette optique, la notion de dividende a été appréciée, par le Gouvernement, de manière large. Elle inclut notamment les acomptes sur dividendes, les distributions exceptionnelles de réserves. Il en va de même pour les opérations de rachats d’actions.

Pour apprécier si une grande entreprise est éligible à cette demande de report, il conviendra de vérifier que la date de l’organe compétent pour prononcer la distribution de dividendes ou le rachat d’actions est antérieure au 27 mars 2020.

Que se passera-t-il en cas de non-respect de cette condition ?

En l’état, l’entreprise se verra appliquer les majorations de retard applicables en cas de non-paiement des impôts et cotisations (5 % de majoration initiale + 0,2 % par mois de retard), tel que prévu par la législation fiscale.

Par ailleurs, le Gouvernement a précisé qu’elle ne pourrait pas bénéficier d’un accord de délai pour l’échéance reportée et devrait s’acquitter immédiatement des sommes impayées.

Ainsi, un certain nombre de précisions demeurent attendues sur les différents points présentés ci-avant. En effet, en l’état actuel du formulaire spécifique de demande de report et des annonces du gouvernement, une grande entreprise ayant bénéficier d’une demande de report ou de remise au titre du mois de mars (i.e. avant les annonces du Gouvernement datant de début avril), mais procédant à une distribution de dividendes ou un rachat d’actions postérieurement au 27 mars 2020, pourrait-elle, le cas échéant, continuer de bénéficier de cette aide. Rien n’est moins sûr !

D’urgentes clarifications sont attendues sur ce dernier point notamment.

II – Des assouplissements attendus quant au paiement de la TVA

Grande laissée pour compte des mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement depuis le 13 mars 2020, contrairement à certains de nos voisins européens, la TVA bénéficie désormais de mesures temporaires d’assouplissement visant à simplifier le calcul de la TVA due.

Attention cependant, contrairement aux impôts directs, ces mesures ne permettent pas le report ou la remise du paiement de la TVA.

1- Concrètement, les entreprises soumises au régime du réel normal en matière de TVA (déclaration mensuelle ou trimestrielle de TVA), étant dans l’incapacité de rassembler les pièces utiles pour établir leurs déclarations de TVA du mois de mars 2020, ont la possibilité d’estimer forfaitairement le montant de TVA due, payée sous forme d’acompte. A noter, que les entreprises soumises au régime réel simplifié ne sont pas concernées par cette mesure.

En pratique, pour la déclaration de TVA du mois de mars déposée en avril, l’acompte peut être déterminé comme suit : (i) estimation de la TVA exigible au titre du mois de mars et versement d’un acompte égal à 80% de cette estimation ou (ii) versement d’un acompte égal à 80% de la TVA acquittée en février 2020.

Ces acomptes doivent être mentionnés en ligne 5B de la déclaration de TVA. Par ailleurs, en l’absence de précision par l’administration, il nous semble nécessaire d’indiquer dans le cadre réservé à la correspondance la mention « Acompte Covid-19 mars 2020 : application de la tolérance administrative ».

Même si cette mesure est bienvenue, des questions restent en suspens : l’administration fiscale se réserve-t-elle le droit d’un contrôle a posteriori de ces acomptes, et dans un tel cas, comment serait interprétée « l’incapacité des entreprises à rassembler les pièces utiles à l’établissement de leurs déclarations de TVA » ? Par ailleurs, qu’en est-il de la régularisation de la TVA réellement exigible ? Enfin, cet assouplissement concerne-t-il seulement les échéances de mars ? Compte tenu du contexte actuel, il est probable qu’il concerne également la TVA due au titre du mois d’avril mais cela reste à confirmer.

2- Par ailleurs, les entreprises qui ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires liée à la crise de Covid-19 ont la possibilité de verser un acompte forfaitaire de TVA pendant la période de confinement (aujourd’hui concernant les mois de mars et avril). Reste à déterminer ce que l’administration pourrait entendre comme baisse du chiffre d’affaires en cas de contrôle a posteriori des déclarations de TVA.

Cet acompte correspond à 80% du montant de la TVA acquittée au titre du mois précédent ou à 50% dans le cas où les activités sont arrêtées depuis mi-mars (ou si la baisse du chiffre d’affaires est estimée à 50% ou plus). Lors du paiement l’acompte, la mention « Acompte Covid-19 – Forfait 80% du mois xx » devra être renseignée sur la déclaration de TVA.

A noter que l’entreprise devra régulariser sa situation dans la déclaration de TVA déposée après le confinement en ligne 2C.

En conclusion, même si nous ne pouvons que saluer ces mesures bénéfiques pour la trésorerie des entreprises à court terme, il est nécessaire de les suivre assidûment, notamment, compte tenu des annonces régulières venant préciser, voire conditionner, le bénéfice de ces tolérances.

Ainsi, nous continuons à suivre, pour vous, quotidiennement les annonces des autorités publiques, qui pourraient évoluer dans les jours à venir…

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