Droits de douanes US, tout a été dit ? Non ! Il faut sortir des sentiers battus et « think out of the box »

Au cas où vous ne l’auriez pas compris, depuis ce début d’année, le monde douanier est un peu perturbé depuis que l’Administration Trump a décidé d’instaurer unilatéralement des droits supplémentaires sur les importations aux US.

Mais concrètement, c’est quoi des droits de douane ? Ce sont des taxes prélevées par un État sur les marchandises importées, à la fois outil de protection des producteurs nationaux et source de revenus publics, mais aussi (et surtout !) instrument de politique économique et commerciale.

L’objectif est simple : On impose des droits pour éviter que la production étrangère ne se révèle être une concurrence déloyale. C’est pas nouveau, ça existe depuis St Matthieu (Patron des collecteurs d’impôts !). Pour cela, il faut néanmoins, en principe, réaliser au préalable une analyse économique en identifiant la production locale, les besoins du marché intérieur, le volume des importations, les prix pratiqués etc… Puis, il y a un processus législatif contradictoire, démocratique qui donne lieu à un vote. Par exemple, dans l’Union européenne, lorsqu’on souhaite mettre en place des droits additionnels type droits antidumping ou droits compensateurs, c’est une enquête de minimum 1 an (et pas seulement parce que la prise de décision est plus longue à 27 ).

L’administration Trump a considérablement simplifié le processus…ça a été nettement plus rapide ! Le principe de la “clause de la nation la plus favorisée” (même taux de droits de douane pour tous les partenaires commerciaux) et les engagements OMC sont (très) loin, ce qui a semé le chaos dans le commerce international.

Cette situation aux US pose alors deux questions dont on tirera ensuite des enseignements clairs et des actions concrètes (c’est là qu’on est originaux !) :

  • D’un point de vue géopolitique : est-il légitime que des droits de douane soient fixés unilatéralement, sans véritable analyse économique ni justification liée à une pratique de dumping ou de concurrence déloyale, mais simplement en fonction de l’origine des produits ? [spoiler alert : pas vraiment…] Le recours au décret présidentiel pour les établir soulève dès lors l’interrogation de leur légalité. Une problématique désormais portée devant la Cour suprême — laquelle est tout à fait impartiale bien évidemment puisque nombre de ses juges ayant été nommés par Donald Trump lui-même.
  • D’un point de vue interne aux entreprises : doit-on subir, ou, se réveiller et profiter de cette situation pour devenir plus forts ? Commençons par « faire », avant de se plaindre: cette situation doit être perçue comme un véritable wake-up call. Trois axes qui ne dépendent que de nous :
    • Axe 1 : Structuration interne

Les sujets douaniers, export control, « trade compliance » sont méconnus, délaissés, peu valorisés en France et dans une moindre mesure en UE…A contrario , aux US, ces sujets sont ciblés comme très significatifs, stratégiques, et les sociétés valorisent les postes de « Customs Manager » / « Trade Compliance Officer ». Il faut s’en inspirer, recruter, valoriser ces fonctions, leur donner des moyens, de la visibilité interne et comprendre que ces missions sont transverses en entreprise. Ensuite, il faut piloter ces sujets avec les bonnes personnes d’une part, mais aussi les bons outils d’autres part : la cartographie des flux et des traitements douaniers est le pré requis indispensable. Puis il faut former les équipes, les experts bien sur, mais toute l’entreprise qui souffre, bien trop souvent, de lacunes en matière douanière car tout le monde voit cela comme une fonction opérationnelle : elle l’est, bien entendu, mais c’est aussi stratégique et cela nécessite des échanges avec la direction juridique, la direction financière, etc.

    • Axe 2 : Maitriser les basiques 

En premier lieu, il faut maitriser le triptyque classique qui permet de déterminer les droits de douanes : codes douaniers (description douanière du produit), valeur en douane (base taxable) et origine (made in ou origine préférentielle), mais il faudra aussi aborder la « compliance », les statuts douaniers, etc. Autant de sujets complexes mais essentiels. Aux US, par exemple, la valeur en douane est un vrai sujet sur lequel beaucoup travaillent en ce moment, pour essayer de la minimiser (mécanisme de la first sale), mais cela est très encadré : ce n’est pas open bar ! Ainsi, le réflexe actuel consiste souvent à chercher s’il est possible de recourir à une valeur en douane plus basse — via la révision de la politique des prix de transfert ou le mécanisme très encadré de la first sale —, ou encore à modifier le code douanier ou l’origine des produits. Si ces interrogations sont légitimes, elles ne devraient pas être abordées uniquement sous un angle opportuniste, mais intégrées dans une démarche plus large de sécurisation et d’optimisation des pratiques douanières.

    • Axe 3 :  Relations contractuelles

Il existe des contrats pour tout dans l’entreprise mais pas pour la douane : les clauses douanières avec les clients ou les fournisseurs sont très pauvres alors que les données sont capitales et les responsabilités significatives. De même, la délégation auprès d’un représentant en douane n’est pas toujours (voire jamais) encadrée par un contrat spécifique de représentation qui permettrait pourtant d’avoir une relation plus équilibrée et protectrice que celle prévue par un simple mandat généraliste souvent désuet.

Enfin, après la crise COVID et l’illustration dramatique de la dépendance à certains pays asiatiques de Sourcing, la situation aux US démontre également qu’il est temps de penser vraiment à la relocalisation de tout ou partie de nos chaines de productions.

Alors, oui, il est essentiel de sécuriser les envois et les importations vers les États-Unis, mais il serait réducteur et non productif de ne s’en tenir qu’à cet objectif.

Ce qui doit être entrepris : repensez les relations contractuelles avec vos représentants en douane, structurez vos équipes en investissant dans la formation et le recrutement, et assurez-vous de l’exactitude des codes douaniers, de l’origine, de la valeur déclarés. Ce sont des petites erreurs qui peuvent couter cher alors que leur optimisation peut rapporter gros…

En définitive, si vous souhaitez optimiser vos opérations et tirer parti des outils légaux disponibles, la première étape consiste à consolider votre organisation interne pour garantir une sécurité solide.

Pensez autrement, faire de cette contrainte une opportunité.

Archives